Les sols jouent un rôle clef dans le fonctionnement des écosystèmes, de par les fonctions qu’ils assurent et les services qu’ils rendent. Ils apparaissent ainsi comme un élément central à prendre en compte dans l’aménagement des territoires. Pourtant, les sols, ressources non renouvelables à l’échelle humaine, sont soumis à de nombreuses pressions (urbanisation, imperméabilisation, tassement, érosion, pollution, ...) qui dégradent leurs fonctions voire les suppriment, situation amplifiée par le changement climatique.
La préservation des sols apparaît ainsi comme un enjeu fondamental dans l’adaptation au changement climatique. Des leviers d’actions, à différentes échelles de mise en œuvre, existent aujourd’hui afin de limiter l’artificialisation des sols et favoriser des actions de désimperméabilisation et renaturation des sols afin de leur permettre de retrouver leurs fonctions.
Le travail mené par le Cerema vise à renforcer la prise de conscience de l’importance de la préservation des sols, notamment au niveau des politiques de planification et d’aménagement opérationnel. Cette mutation implique une collaboration étroite entre les aménageurs et les scientifiques afin de bâtir une stratégie d’aménagement de nos territoires de vie qui, dans tous les cas, ne pourra se faire sans préserver et tenir compte des sols urbains et péri-urbains.
Les quatre autrices du rapport, Fabienne Marseille désormais Directrice de projets stratégie foncière, Christelle Neaud, Responsable d'études en écologie urbaine, Céline Hébrard Labit, Directrice de projets Gestion des ressources naturelles, et Manon Martin, Directrice de projets Sols et Aménagement reviennent sur la démarche et les enjeux dans une interview :
Pourquoi avoir produit ce rapport au sujet de l'impact du changement climatique sur les sols et les moyens de la préserver ?
Christelle Neaud: Les sols restent encore aujourd’hui peu connus, invisibles malgré leur caractère essentiel à la subsistance et au bien-être des êtres vivants. Ils subissent de nombreuses pressions anthropiques (imperméabilisation, pollution, tassement, salinisation, érosion …) amplifiées aujourd'hui par le changement climatique. Il jouent pourtant un rôle primordial dans l’adaptation au changement climatique de par les fonctions qu’ils assurent et les services qu’ils rendent. L’objectif de ce rapport est de renforcer la prise de conscience de leur importance dans le changement climatique.
Fabienne Marseille : Les sols jouent en effet un rôle clef dans le fonctionnement des écosystèmes, de par les fonctions qu’ils assurent et les services qu’ils rendent. Le sol est souvent mis en avant dans la lutte contre le changement climatique pour son pouvoir de séquestrer une partie du CO2 contenu dans l’atmosphère. Sa capacité à capter l’eau et à la retenir permet par ailleurs de limiter le risque d’inondation et en période sèche, une part de cette eau restituée à la végétation contribue à réduire l’îlot de chaleur en milieu urbain.
La capacité des sols à atténuer le changement climatique et en atténuer les effets est toutefois menacée. Les sécheresses, les canicules et les pluies intenses dégradent les sols et pourraient impacter leur fonctionnement. Nous avons souhaité faire un état des lieux des connaissances de l’impact du changement climatique sur les sols en France métropolitaine et apporter des clés de compréhension des mécanismes en jeu. Nous nous sommes également attachés à recenser les solutions concrètes et opérationnelles qui peuvent être envisagées dans le domaine de l’aménagement pour réduire cet impact et préserver leur fonctionnement .
Vous soulignez qu'il est important de se saisir de la question des sols sous l'angle du changement climatique, pourquoi?
Christelle Neaud : Les sols (et leurs fonctions) sont durement impactés par le changement climatique de par les diminutions significatives de l’humidité des sols lors des périodes de sécheresse importantes ou encore par l’érosion hydrique des sols sous l’action du ruissellement de l’eau lors des fortes inondations. Globalement les évènements climatiques extrêmes induisent un risque accru de dégradation des sols, phénomènes déjà observables dans certaines zones climatiques européennes telles que la zone méditerranéenne.
Pourtant les sols doivent être considérés comme un levier d’adaptation au changement climatique, en particulier en milieu urbain.
Céline Hébrard Labit : En effet, un sol en bonne santé joue, par exemple, un rôle primordial dans l'infiltration de l’eau, permettant ainsi de réduire les risques de ruissellement et donc d’inondation lors de pluies de forte intensité. Il peut également stocker l’eau et la restituer au végétal lors des périodes de sécheresse. En milieu urbain, l’évapotranspiration des végétaux et des sols permet de diminuer les îlots de chaleur urbain et garantir des îlots de rafraîchissement dans les villes.
Manon Martin : Les sols assurent de nombreuses fonctions pouvant être agronomiques puisqu’ils permettent de produire de la biomasse, physiques par leur rôle de support des infrastructures et de l’aménagement, sociale en structurant le paysage et aussi environnementales car les sols sont capables de filtrer et stocker l’eau, de servir d’habitat pour la biodiversité et régulent le cycle de carbone. Les fonctions environnementales rendent des services à l’homme et la société qui répondent à l’enjeu des territoires de s’adapter au changement climatique.
Le Cerema revient sur les démarches de gestion durable des sols, de la prise en compte de leurs fonctionnalités: en quoi est-ce important d'adapter l'aménagement à la qualité des sols dans une perspective d'adaptation au changement climatique ?
Manon Martin : Pendant longtemps les sols urbains ont été considérés comme des supports de construction, or nous avons vu qu’ils rendent de nombreux services. Chaque sol est unique dont ses fonctionnalités peuvent répondre à des enjeux spécifiques en termes d’aménagement et d’adaptation au changement climatique. Par exemple, un sol ayant un potentiel d’infiltration élevé aura un rôle de zone tampon contre les inondations. Il est alors important de gérer l’espace urbain en fonction de ses potentialités.
Christelle Neaud : Cela implique de connaître la qualité des sols de son territoire et ses potentialités à travers notamment des cartes des sols et des diagnostics agro-pédologiques afin de préserver au mieux les sols fonctionnels rendant des services indispensables à l’homme. La méthode MUSE, développée au Cerema, permet par exemple de caractériser, quantifier et cartographier les fonctions et la multifonctionnalité des sols à l’échelle des documents d’urbanisme. Elle permet d’intégrer la qualité des sols par la prise en compte de quatre fonctions du sol dans les démarches de PLUi mais aussi dans les SCoT afin d’aider les collectivités à prendre en compte les sols dans l’aménagement du territoire.
Quels sont les leviers d'action pour les collectivités afin de préserver des sols plus fonctionnels dans une perspective de changement climatique ?
Christelle Néaud : De nombreuses mesures en faveur des sols, prises à différentes échelles, de la planification au projet d'aménagement, contribuent à l'adaptation des villes au changement climatique.
A l’échelle de la planification, cela peut passer par la caractérisation de la qualité des sols à travers leur multifonctionnalité comme vu précédemment jusqu’à la mise en place d’une trame brune au sein de son territoire. A l’échelle de la ville, systématiser les bonnes pratiques de gestion des sols au sein des espaces verts, limiter la vulnérabilité des sols au phénomène de sécheresse ou encore végétaliser les espaces urbains ou péri-urbains sont autant de solutions à privilégier pour une meilleure adaptation au changement climatique. Enfin à l’échelle du projet d’aménagement, favoriser une gestion alternative des eaux pluviales à la source, développer l’agriculture urbaine ou encore reconstituer des sols dégradés en favorisant le génie écologique et pédologique peuvent contribuer à s'adapter au changement climatique.
Au-delà de toutes ces mesures, la préservation de sols fonctionnels et en bonne santé est la clé première et fondamentale pour toute stratégie d'adaptation au changement climatique et nécessite une implication de chacun tout au long de la chaîne d'aménagement pour la renforcer.
Céline Hébrard Labit : Le travail réalisé vise à renforcer la prise de conscience de la valeur des sols au niveau des politiques de planification et d’aménagement opérationnel. Cette mutation essentielle implique une collaboration étroite entre les aménageurs et les scientifiques afin de bâtir une stratégie d’aménagement de nos territoires de vie qui, dans tous les cas, ne pourra se faire sans préserver et tenir compte des sols urbains.
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